« Dans le brouillard et les rumeurs de marché, il faut savoir démêler le vrai du faux »
Dans son exposé périodique de début mai, Christopher Dembik, Conseiller en stratégie d’investissement chez Pictet AM, a livré une analyse des données économiques, avec des indications de stratégie qui peut-être adoptée actuellement dans les marchés.
Aux Etats-Unis, en cette fin de printemps, les principaux acheteurs actifs dans le marché actions sont majoritairement les particuliers, les institutionnels demeurent encore en retrait, en attente probablement d’un peu plus de visibilité tout comme les fonds spéculatifs qui avaient été vendeurs de valeurs technologiques en janvier. Ces mêmes fonds spéculatifs se sont délestés d’or pour la cinquième semaine consécutive début mai. A noter, que statistiquement, mai n’est pas ‘bon’ un mois en bourse (la performance historique moyenne est négative). Christopher Dembik, averti aussi que le mois d’aout peut devenir un mois dangereux, la moindre nouvelle économique ou géopolitique peut avoir un impact amplifié (comme survenu plusieurs fois par le passé), avec les les volumes de transaction plus faible qu’en temps normal.
Dans l’atmosphère des marchés actuels, le taux à 10 ans des bons du trésor est à surveiller comme le lait sur le feu. Actuellement à 4,44 % (12/05/2025), il reste dans les clous mais il ne faudrait pas dépasser le niveau fatidique des 5 % qui pourrait être dévastateur pour les marchés actions. Dans un mouvement erratique, en début d’année, le rendement de ces mêmes bons du trésor à 10 ans, avait bondi brièvement dans un marché tumultueux, à plus de 4,8 % et avait frémir les marchés actions. Face à ce mouvement surprenant venu de nulle part, plusieurs explications avaient été avancées. « Il faut savoir démêler le vrai du faux », tempère Christopher Dembik. « A ce stade, rien n’indique qu’un allègement important d’un détenteur du bon de trésor américain (Chine, Japon, …) comme avait craint les opérateurs soit à l’origine de ce mouvement. Le marché reste balloté entre bruits et rumeurs, infondées ou fausses bien souvent, tient à ajouter le stratégiste de chez Pictet AM.
Un autre point d’attention à garder à l’œil ces prochaines semaines, est celui de la liquidité, tombée au plus bas de cinq ans sur les options euro/dollar. Sans liquidité, le marché peut connaitre des mouvements erratiques dans les devises et provoquer des vagues incontrôlés dans les marchés.
Tout en gardant ces observations en tête, il faut souligner que les derniers mouvements baissiers ont sensiblement ramené le rapport cours bénéfice vers leur moyenne historique long terme (indices américains). Certaines valeurs ont déjà atteint leur moyenne. Exemple, le rapport cours bénéfice de AMD (semi-conducteurs) est tombé à 14 (début mai), un niveau qui s’est révélé être un point d’entrée par le passé tandis que celui de Microsoft, actuellement revenu à 27, est taxé de très raisonnable par Christopher Dembik. Et si les fonds spéculatifs ne sont pas encore passés ‘acheteur’, ils continuent à détenir 34 % des actions NVIDA et même 44% des actions Microsoft. Des titres « socle » mais aussi certainement un signe que la confiance dans le secteur n’est pas rompue. Tandis que le rapport cours bénéfice des valeurs cycliques est tombé au niveau de ceux qui peuvent être observés en période de récession.
La croissance pas si mauvaise
Le dernier et mauvais chiffre de la croissance au trimestrielle aux Etats-Unis publié à -0,3 %, doit être pris avec des pincettes et exige aussi de démêler le vrai du faux, assure Christopher Dembik. Ce chiffre ne reflète pas exactement l’état de l’économie américaine car il est impacté et plombé par une forte hausse inhabituelle des importations. Cette aberration a une justification évidente. En début d’année, de nombreuses entreprises se sont empressées à accroitre leur stock, en anticipation des droits de douanes qui allait surenchérir leur prix d’achat. A cette hausse des importations avec impact négatif sur le chiffre de la croissance, il faut ajouter une hausse exceptionnelle des achats de lingots d’or par les épargnants motivés par les craintes de baisse du dollar. Mais un retour à la normal des chiffres de la croissance, devrait être effectif le prochain trimestre. D’ailleurs, Visa a annoncé une hausse de 8 % du montant des encours sur ses cartes de crédits, témoignant d’une consommation toujours dynamique. La récession n’est pas encore à l’ordre du jour, surtout si la création d’emploi, comme c’est le cas, reste supérieure aux attentes. L’économie, certes, est en phase de ralentissement mais en partant d’un point haut. Jusqu’à présent, aucun indicateur, après analyse, donne le signe de retournement de la tendance économique positive.
L’investissement dans la défense mettra du temps à procurer des dividendes….
L’Europe souffre d’une plus forte dépendance aux matières premières comme les terres rares (100 %) ou du gallium par exemple (71 %). Et si l’investissement dans la défense est très prometteur et rémunérateur pour la croissance, puisqu’il est estimé qu’un euro investi en rapporte 10, il faut tempérer. Cette maxime se vérifie seulement après une période 10 ans.
Phénomène inédit, le rôle du dollar en tant que valeur refuge, est contesté par l’Euro et le franc suisse qui ont servi de valeur refuge jusque début mai, avant que les premières négociations chino-américaines débutent à Genève.
« Nous n’avons pas modifié notre vue sur le marché, principalement notre avis positif sur les valeurs technologiques américaines, car la clé reste à conserver un horizon long terme, en-dehors des bruits du court terme. La baisse des valeurs technos les ont replacées à des niveaux de valorisations attrayantes. C’est Indéniable, même si certains jugeront prudent d’utiliser une couverture de change pour se protéger d’une éventuelle poursuite de la dépréciation du dollar US. Nous restons toujours à l’écart du marché chinois qui ne nous a encore rien prouvé, ajoute Christopher Dembik. La chute du prix du baril de pétrole, une mauvaise et une bonne chose. Elle va handicaper quelques producteurs de pétrole de schiste mais favorisera surtout les consommateurs. Enfin avec une inflation réduite en Europe, bien aidée aussi par la baisse du prix du baril de pétrole, peut conduire la BCE à abaisser ses taux directeurs sous 2 % (1,8 % ?).