La rapidité du changement d’humeur des marchés est impressionnante, passé d’un optimisme béat au lendemain de l’élection de Donald Trump à un pessimisme profond début mars.
Pénalisé par la chute des sept magnifiques, 25 ans exactement après le début de l’éclatement de la bulle internet (le pic avait été atteint le 10 mars 2000), les géants de la tech plombent Wall Street. Les investisseurs redoutent que la guerre commerciale fasse dérailler l’économie et la trajectoire de l’inflation inquiète. La lisibilité économique à court terme devient faible et la volatilité sur les marchés grimpe.
Dans ce brouillard, Christopher Dembik, Conseiller en stratégie d’investissement chez Pictet AM, livre deux messages. A court terme, il est important d’adopter un comportement prudent. Ensuite une distinction est nécessaire entre le court et le moyen/long terme qui reste soutenu par de grandes tendances toujours intactes comme celle de l’intelligence artificielle, une croissance économique encore positive et une progression saine des bénéfices des (selon CNBC, les bénéfices du S&P 500 étaient estimés à 273 $ fin 2025 et étaient de 270 $ récemment) .
Christopher Dembik et Pictet Asset Management continuent de donner la préférence aux actions américaines, plus spécifiquement technologiques et liées à l’intelligence artificielle. Mais les franchissements récents de seuils techniques graphiques à la baisse d’indices majeurs américains, incitent à la prudence.
Les heged Funds, un indice de la Federal Reserve d’Atlanta
Le mouvement de baisse dans les grandes valeurs technologie trouve son origine dans les ventes enclenchées ces dernières semaines par les hedged funds. Jamais les fonds spéculatifs ont délesté ces dernières années aussi rapidement des valeurs technologiques de leur portefeuille, avec une exposition tombée au plus bas depuis mi 2023. Il faut se souvenir que ces fonds agissent sur des bases de court terme tient à ajouter Christopher Dembik.
Puis un indice compulsé par la Federal Reserve d’Atlanta, fabriqué avec une myriade de données économiques en temps réel et considéré comme prédictif du PIB du trimestre en cours, est venu plomber un peu plus l’ambiance. Uniquement observé précédemment par quelques économistes, cet indice a gagné soudainement en popularité. Dans le tout début février, cet indice prévoyait encore au premier trimestre une hausse de 2,9 % du PIB (en rythme annualisé), avant d’anticiper une baisse de 2,8 % un mois plus tard ! Christopher Dembik tempère. « Cet indice ne donne qu’une tendance. Et une des principales contributions à sa détérioration est l’accroissement record du déficit de la balance commerciale publié le 6 mars avec surtout une forte hausse des importations. Mais il faut replacer ce déficit dans son contexte. Avec la crainte de hausse des tarifs douaniers en début d’année, les entreprises américaines se sont pressées à augmenter leurs achats à l’étranger et accroitre leurs stocks de produits dont le prix est appelé à grimper. « Jamais une détérioration rapide d’un déficit commercial a débouché sur une récession », appuie Christopher Dembik qui ne souhaite pas donner trop d’ampleur à cet indice.
Autre crainte, l’empressement d’Elon Musk à réduire l’emploi dans la fonction publique et à couper les dépenses publiques. Christopher Dembik estime à maximum un million le nombre d’emploi qui pourrait être supprimé dans la fonction publique et parmi le sous-traitant. Mais, là aussi, le stratège relativise ce chiffre, le mettant en parallèle avec celui de cinq millions d’américains qui en moyenne changent d’emploi chaque mois.
Des banques centrales toujours présentes
En ce début d’année, les banques centrales restent dans une trajectoire de baisse de taux et 24 de ses 30 grandes banques centrales envisagent de poursuivent cette politique de baisse de taux. Ces liquidités libérées continuent d’être une lame de fond de soutien aux actions et à la microéconomie. Le taux directeur de la BCE devrait approcher 1,85 % cet été et pour la Fed, les experts de Pictet AM continuent à anticiper une seule baisse de taux en 2025 contrairement au marché monétaire…passé à trois ces dernières semaines, avec la détérioration économique. Pourtant, la prévision d’inflation reste estimée à 3 % aux Etats-Unis toujours pour les experts de Pictet AM avec des tensions sur l’immobilier et des hausses de certains prix agricoles comme les œufs ou du café. En zone euro cette prévision est de 2,3 %.
Les risques de récession surjoués
« Le discours sur une récession américaine est très surjoué. La croissance aux Etats-Unis devrait se situer vers 2 % », tranche le stratège. Les dernières décisions et revirements rapides de Donald Trump en termes de tarif douanier fait des dégâts et créé de l’incertitude. Et les marchés ont horreur de l’incertitude.
« Le point essentiel est de percevoir la politique de taxe douanière de l’administration Trump différemment. La stratégie de la hausse des taxes douanières est douloureuse à court terme mais s’avère en général positive à moyen/long terme. C’est un mal pour un bien, » abonde le stratège de Pictet AM.
Tandis que la consommation, un pilier de la croissance américaine, montre peu de signes de faiblesse.
Aujourd’hui, le momentum des marchés actions est favorable aux marchés européens qui ont aimanté les flux ce début d’année, mais ces mouvements sont jugés plutôt tactiques. La croissance reste estimée à 1 % en Europe (contre 2% aux USA). Le plan de 800 milliards destiné à renforcer la défense européenne reste éloigné d’une vraie économie de guerre et insuffisant pour donner une impulsion substantielle à la croissance européenne.
Si les flux sont sortants sur les actions US, soupape de sécurité, les épargnants Outre-Atlantique restent acheteurs des actions américaines.
Dans ce brouillard et la fébrilité des marchés, il faut garder l’essentiel : la tendance long terme avec un mix croissance/inflation toujours favorable et le contexte de liquidité toujours propice. Certes, les valorisations restent tendues mais rien d’inquiétant dans le contexte long terme économique actuel.
Sur le long terme, les derniers résultats solides et rassurants publiés par NVIDIA sont un signal positif. Et l’innovation reste une clé importante. En l’espace d’une décennie, la productivité (avec la contribution de l’innovation), a progressé de 40 % aux Etats-Unis contre 0 % en Europe.
Tandis que « DeepSeek » va aussi susciter des gagnants dans les valeurs technologiques avec la diminution du prix d’inférence avec des bénéficiaires qui s’appellent Apple mais aussi Microsoft, Meta, Amazon. La baisse du cout de l’IA via « DeepSeek » sera un avantage pour ces sociétés.
Sur le long terme, la performance annuelle des actions américaines est supérieure à 10 %. L’économie américaine continue de surperformer même si le momentum est favorable à l’Europe actuellement. Dans les prochains mois, une performance parallèle des actions européennes aux actions américaines peu se mettre en place. Dans ce type de scénario, le luxe européen peut profiter de cette tendance même s’il est estimé déjà un peu cher.
Chine
Pour être positionné sur la Chine, le plus judicieux est de profiter de la volatilité et de l’appréhender via une stratégie long/short. Les interventions fréquentent des autorités finissent par alimenter la volatilité. Les ventes au détail restent faibles et l’inflation est récemment passée négative. Les plans de relance ne permettront pas de sortie de la stagflation.
Comme protection face à la volatilité, initier des couvertures ou adopter des positions long/short (via un fonds), ou attribuer une plus forte pondération au marché obligataire ou encore au Private Equity sont des alternatives. Enfin, l’or reste apprécié par Christopher Dembik.