ODDO BHF AM
Guillaume Chieusse et Armel Coville, gérants de fonds spécialisés dans les petites et micro-capitalisations européennes chez ODDO BHF AM, société de gestion franco-allemande, considèrent qu’investir dans les petites capitalisations présente aujourd’hui de potentielles opportunités tout en restant un placement risqué. La valorisation de ce segment de marché est intéressante, de nombreuses petites capitalisations présentant un taux de croissance plus élevé que celui du marché malgré une conjoncture difficile.


Sous-évaluées
Guillaume Chieusse explique qu’ils recherchent pour leur fonds, ODDO BHF Active Small Cap, des sociétés qui, selon eux, se développent rapidement, qui créent de la valeur et qui ont une dynamique bénéficiaire, le tout à un prix que nous jugeons attractif. « Nous trouvons ce momentum en combinant le sentiment favorable du marché et la dynamique des bénéfices. La croissance des bénéfices des entreprises sélectionnées dans nos portefeuilles est deux fois supérieure à la moyenne du marché. »
Il souligne que les petites capitalisations (MSCI…) affichent des performances boursières inférieures à la moyenne du marché depuis un an et demi et que, depuis le début de l’année, cette tendance à la baisse s’est même accélérée. « Ce sont surtout les valeurs dont la capitalisation boursière est inférieure à 1 milliard d’euros qui sous-performent (-5,5 % en glissement annuel), contre un gain de +8 % pour les sociétés dont la capitalisation boursière est comprise entre 1 et 3 milliards d’euros et de +24,1 % pour les sociétés pesant plus de 3 milliards d’euros en bourse. » Cette sous-performance s’explique selon M. Chieusse par le fait que les petites capitalisations sont moins liquides et que les investisseurs ont moins d’appétit pour le risque. « Au cours de l’année écoulée, les investisseurs ont surtout cherché à se réfugier dans les grandes valeurs, comme les célèbres ‘Magnificent Seven’ aux États-Unis. Il en va de même en Europe : sans Novo Nordisk* l’indice nordique, serait en territoire négatif pour l’année. »
Le gestionnaire constate qu’au cours des quatre dernières crises (graphe ci-dessous), les petites capitalisations ont commencé à surperformer une fois que le marché a commencé à se normaliser. Il souligne que cela pourrait être le cas cette fois-ci également. « En examinant les performances des marchés boursiers au cours des dix dernières années, nous avons constaté que la meilleure performance des petites capitalisations était principalement due à une meilleure dynamique des bénéfices. Cette surperformance a récemment disparu, bien que les fondements d’une croissance plus forte des bénéfices soient intacts. »

Aujourd’hui, chez ODDO BHF AM, les gérants estiment que les petites capitalisations sont sous-évaluées. « Surtout si l’on considère le ratio EV/EBITDA (qui rapporte la valeur de l’entreprise à ses bénéfices avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement), qui est inférieur de 13 % à sa moyenne des 15 dernières années. Il en va de même pour le ratio cours/bénéfice qui s’établit aujourd’hui à 13,6 alors que la moyenne à long terme se situe autour de 19-20. Cela indique qu’il y a de potentielles opportunités. » En outre, M. Chieusse souligne que les petites capitalisations sont moins endettées que les grandes et qu’elles sont donc moins impactées qu’on ne le pense par la hausse des taux d’intérêt. Les petites entreprises comptent davantage d’actionnaires familiaux et sont généralement plus prudentes. A noter cependant que cette classe d’actifs comporte notamment des risques de perte en capital, actions, et de liquidité.
Pour M. Chieusse, il suffirait que certains grands gestionnaires d’actifs, surtout anglo-saxons, misent à nouveau sur des petites capitalisations pour que cette sous-évaluation commence à se résorber. « Et nous pouvons également compter sur un plus grand nombre de petites capitalisations européennes sélectionnées sur des critères ESG au détriment de leurs homologues asiatiques », conclut-il.
Des choix et des thèmes concrets
Son co-gérant Armel Coville revient sur les choix spécifiques des titres en portefeuille. En termes de ventes, depuis le début de l’année, nous avons surtout vendu les valeurs les moins liquides et les plus petites qui souffrent d’une baisse de la consommation. Par exemple, nous avons mis en vente le fabricant de composants pour appareils à gaz Sabaf* au premier trimestre. Nous avons aussi vendu deux sociétés, Uponor* et Majorel Group*, qui ont fait l’objet d’une OPA cette année. Les prix de vente répondaient à nos exigences en matière de valorisation. Si nous pensons que le prix de vente est trop bas, nous préférons attendre. En fait, la recherche d’entreprises susceptibles d’être retirées de la cote fait partie intégrante de notre stratégie. Nous avons aussi vendu des titres tels que Durr* et Chargeurs* au cours du troisième trimestre, en raison de l’incertitude qui règne sur leurs marchés sous-jacents ».
M. Coville revient également sur les achats. « Hellofresh* est un titre que nous avons acheté au troisième trimestre. C’est l’une des entreprises vedettes de la pandémie. Elle a été touchée à la fin de l’année 2022, mais c’est aujourd’hui une société très rentable dont l’EBITDA (bénéfices avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement) devrait s’élever à 500 millions d’euros cette année. L’acquisition de Factor* aux États-Unis et l’adoption de sa stratégie de production de repas frais en Europe donneront un coup de fouet au groupe. Un autre exemple est GTT*, le spécialiste français de la technologie du GNL (gaz naturel liquéfié). Le marché sous-jacent connaît une forte croissance, stimulée en partie par la guerre en Ukraine. Le carnet de commandes est rempli pour 2023 et les dernières commandes reçues par GTT ne seront pas livrées avant 2028 compte tenu de la saturation des chantiers navals asiatiques. La visibilité est forte sur GTT ».
Les gérants du fonds ODDO BHF Active Small Cap recherchent toujours des valeurs de croissance et se positionnent de ce fait automatiquement dans les thèmes porteurs (voir l’illustration ci-dessous). « Nous misons sur des segments de marché dont nous pensons qu’ils afficheront une croissance supérieure à la moyenne », explique M. Chieusse. « Vous trouverez donc peu d’entreprises actives dans les secteurs des matières premières, de l’énergie et de la finance chez nous : leurs perspectives de croissance semblent trop limitées. » Le fonds présente notamment un risque de perte en capital et un risque actions.

M. Coville ajoute qu’ils misent par ailleurs sur la digitalisation, et donc sur des valeurs technologiques. « Cela n’est pas surprenant, car nous vivons de plus en plus dans un monde digital. Les champions de la consommation et les soins de santé ont également trouvé leur place dans nos portefeuilles. Le vieillissement de la population aura un impact considérable en Europe et le secteur des soins de santé ne doit pas être négligé : la croissance sera supérieure à celle du reste de l’économie. Nous avons également inclus des champions industriels opérant principalement dans des niches. Le fabricant italien de bouteilles Zignato Vetro* est un bon exemple. Le verre gagne des parts de marché sur le plastique car il est recyclable à l’infini. Et les acteurs, peu nombreux, peuvent facilement augmenter leurs prix. Il faut aussi noter que le seuil d’entrée est extrêmement élevé. Et depuis 2022, nous avons fait un gros effort sur le thème de la relocalisation, car la guerre en Ukraine a montré que nous étions beaucoup trop dépendants de l’étranger. »
*Les sociétés mentionnées ne constituent pas des recommandations d’investissement.