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Que faire dans la brutalité des marchés. « Acheter au son du canon », dit le dicton. « Soyez avides quand les autres sont craintifs et craintifs quand les autres sont avide, » aime répéter Warren Buffett.

Mais toutes les baisses ne se ressemblent pas. Certaines sont brèves, d’autres plus longues. En 2000, la bulle internet a eu besoin de deux ans pour se dégonfler. Lors de la première vague du covid en 2020, la chute s’est limitée à trois semaines. Mais la crise financière de 2008 a perturbé les marchés durant près de deux ans avec une baisse finale de 56 % des indices. Cependant, remarque importante, au cours de cette crise bancaire, le marché américain a connu…onze rebonds d’au moins10 % mais pour ensuite chaque fois creuser plus bas et toucher un plancher en mars 2009. « N’essayez pas d’attraper un couteau qui tombe mais il est trop tard aussi pour vendre, » a affirmé Maxime Dupuis, Global Cio Global Office ce 9 avril au Media Press de Oddo BHF à Paris.

Petite statistique saisonnière, hasard ou pas, la période du printemps est quelques fois une période charnière et marque souvent des changements violents de tendance du marché, actant un début ou une fin de crise (mars 2000/2003/2009/2020/2025).

Inimaginable il y a trois mois, les perspectives économiques américaines sont passées de résiliente à incertaine et même à une possible récession (60 % selon JPMorgan). Le président de la Réserve fédérale, Jérôme Powell, a averti que les tarifs fixés par Trump risquaient d’être une source d’inflation et un ralentissement de la croissance pour la plus grande économie du monde, révélant des inquiétudes à l’égard de la banque centrale américaine. Nicolas Dubuisson, Business Development Director DNCA, abonde dans ce sens et rapporte une étude : « Le Budget Lab de l’université de Yale estime que ce choc d’offre sur le PIB américain pourrait couter 90 points (0,9 %) de base en 2025 sur la croissance, et devrait entraîner une hausse de 130 points de base du prix des biens pour les consommateurs (1,3 %). »

Initialement, la politique de Trump voulait effectivement faire passer le taux des droits de douane américains de 2,5 % à bien au-delà de 20 %, soit le niveau le plus élevé depuis 1910 — un niveau même supérieur aux tarifs Smoot-Hawley dévastateurs de 1930 que de nombreux économistes considèrent comme ayant contribué à la Grande Dépression.

Autre élément d’inquiétude soulignée par le gérant connu Yardeni qui s’exprimait sur CNBC ; « La chute des cours boursiers depuis le jour de la ‘Libération’ crée un effet négatif sur la richesse des épargnants avec effet

de les rendre plus frileux dans leurs dépenses. De quoi accroître les chances d’une récession, qui fera à son tour fait baisser les cours des actions ».

2000 était le fait d’une bulle, 2008 celle d’une crise financière, toutes deux difficile à tacler. Aujourd’hui, elle est différente et est celle d’une décision d’un gouvernement dirigé par un homme imprévisible.

Maintenir une approche disciplinée

Dans ces périodes, l’investisseur a besoin d’une « approche disciplinée », fuir ses émotions, quitter la vue court terme pour s’inscrire dans une période long terme.

Des investisseurs conservent aussi des liquidités en attendant des prix bas. Mais personne ne peut prédire le fond du marché, disent les experts.

Cependant, selon une étude de la Bank of America, les meilleurs performances et rendements s’effectuent dans des achats réalises dans les plus grandes baisses. Mais la difficulté réside dans le calcul du plancher, même si personne, ou presque, a la chance d’acheter au plus bas.

Pour investir de façon dépassionnée, mécanique, une solution peut être d’investir systématiquement son argent à des intervalles fixes. Par exemple une somme modique chaque mois de l’année, quel que soit la situation du marché. La stratégie permet de faire baisser les prix tout en réduisant le risque. Une autre technique consiste d’acheter progressivement, après une baisse de 10 % du marché et poursuivre ses achats à chaque palier supplémentaire de 5 % de cette même baisse.

Dans le même sens, historiquement, selon Ned Davis Research, les achats effectués après une baisse de plus de 10 % aux points bas ont entraîné des rendements positifs 90 % du temps un an plus tard et 87 % du temps 24 mois plus tard. Ce qui ne veut pas dire que les prix ne continueront pas à baisser.

Ce que les investisseurs doivent savoir en période incertaine

Il n’y a qu’en bourse que l’on ne court après les soldes…Les baisses du marché peuvent aussi offrir de belles opportunités pour investir dans un créneau prometteur, selon Brice Prunas, gérant du fonds Oddo BHV Artificial Intelligence et fort de 25 ans d’expérience.

« Nous essayons d’estimer la valeur d’une entreprise dans cinq à sept ans, puis nous cherchons des occasions de l’acheter avec un rabais important. Je pense que le marché actuel nous offre ce genre de possibilité. La course continue. C’est extraordinaire. Le marché de l’intelligence va faire autant de

progrès en cinq ans qu’en cinquante dans un monde sans AI. Et le train va de plus en plus vite. Les avancements de l’intelligence artificielle devancent les estimations les plus optimistes des spécialistes. »

Warren Buffett dit : « Les Américains sont drôles. Ils aiment les actions quand elles sont chères et les détestent quand elles sont bon marché ».

‘Bête comme ses pieds’

La situation reste cornélienne. La Chine est fragile car sa consommation est insuffisante pour absorber sa production. Elle a besoin un besoin vital d’exporter. Selon la dernière analyse de l’OMC, le maintien des tarifs douaniers actuels va réduire de 80 % les échanges entre la Chine et Etats-Unis. Autre inquiétude, le dollar et surtout le marché obligataire américain ne jouent plus leur rôle de valeur refuge. Le taux 10 ans US est passé entre le 6 et le 9 avril de 3,95 % à 4,5 %, marquant une défiance, inquiétude qui a forcé probablement Trump à temporiser 90 jours pour certains tarifs. Et le socle se fissure : Peter Navarro, l’architecte des tarifs douaniers, vu comme un économiste visionnaire par Trump a été traité récemment par Elon Musk, de ‘crétin’ et ‘bête comme ses pieds’…

« Nous pensons que la baisse pourrait se poursuivre, en raison du positionnement très élevé des investisseurs sur les actions il y a encore quelques semaines et la période reste incertaine, estimait Enguerrand Artaz, Stratégiste, La Financière de l’Echiquier (LFDE) le 3 avril :

« Peu de marchés sont susceptibles de résister. Les actions européennes pourraient continuer de surperformer, vu le positionnement encore faible sur la classe d’actif et des valorisations moins élevées. Un dollar plus faible a la conséquence de rendre les actions américaines encore moins attractives pour un investisseur en euros. En absolu toutefois, il ne faut pas s’attendre à un découplage massif. »

Chez Pictet Asset Management, Christopher Dembik était plus nuancé : « Il y a un sentiment de panique, d’hystérie sur les actions en ce moment, des craintes de récession américaine ou de rebond brutal de l’inflation. Tout ceci est exagéré. Le ralentissement mondial est certain. Il est cependant difficile d’en mesurer l’ampleur à ce stade. Dans les valeurs technologiques américaines, à l’exception de Tesla, elles sont toutes à des niveaux de valorisation attrayants et constituent historiquement des zones d’achat. Elles ont en outre des flux de trésorerie impressionnants, un business model en forte croissance et occupent souvent une position dominante sur leur cœur de métier. Mais il faut être patient. Une fois que le bruit actuel se sera atténué, ce sera le bon moment. »

« Face à l’imprévisibilité de Donald Trump et des inconnues de l’impact des mesures douanières sur l’économie, le modèle de « diversification efficiente », développé par l’économiste Harry Markovitz, peut nous servir de boussole. En effet, la diversification est ‘ the only free lunch investment’, indispensable dans un monde où tout devient plus onéreux en raison des barrières douanières », ajoute Nicolas Dubuisson, Business Development Director de DNCA Luxembourg.

Virginie Maisonneuve, CIO Global Equities chez Allianz Global Investors, conserve une vue constructive sur les actions tout en étant tactique : « La reprise des actions européennes devrait se poursuivre. Dans le tumulte actuel, investir vers d’autres marchés mondiaux est aussi une bonne tactique. Aussi de façon sectorielle. La réaffirmation de la « souveraineté européenne » – et l’augmentation des engagements de dépenses – pourraient stimuler plusieurs secteurs comme la cybersécurité et l’IA, ainsi que de la défense. Les investisseurs européens sont actuellement sous-pondérés dans la construction et le secteur peut offrir une opportunité. Il faut aussi garder un œil sur l’Inde, riche de sa diversification sectorielle, la Chine avec des valorisations attrayantes et son orientation technologique, les actions Japonaises sous-évaluées, offrent des opportunités dans la baisse des marchés. »

Les clés du succès de tout investissement sont le temps, la qualité et le prix payé. Aujourd’hui, il faut rester investi, il est trop tard pour vendre pour la majorité des spécialistes. Cependant, ll est normal d’être envahi de doutes. Le temps est votre ami et la clé du succès, affirme la sagesse. « Chaque orage finit par manquer de pluie. » Accrochez-vous.

Daniel Pechon

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