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Christopher Dembik – Pictet Asset Managment

Ces derniers mois, on a beaucoup parlé d’un risque de récession aux États-Unis – qui ne se matérialise pas pour le moment. En revanche, une autre récession est bien là, celle du commerce international. Et c’est en partie la conséquence du changement climatique.

Sécheresse et récession

C’est au niveau du canal de Panama que tout se passe. En France, on connaît bien ce canal puisque nous avons commencé sa construction et qu’il a fait trembler la Troisième République en 1892-93 lorsqu’un vaste scandale de corruption fut révélé. Le canal s’étend sur environ 80 km et relie l’océan Atlantique à l’océan Pacifique. C’est une route commerciale majeure, opérationnelle depuis 1914, où transite environ 3 à 5% du commerce international chaque année. Ce n’est pas anodin. En temps normal, le Panama est un pays plutôt chanceux puisqu’il connaît des niveaux de précipitations annuels élevés. Mais cette année, c’est différent. Le Panama connaît sa pire sécheresse depuis 1950. En conséquence, le niveau des eaux est au plus bas dans le lac artificiel Gatún qui alimente le canal de Panama et permet de faire fonctionner les écluses et d’aider les navires à transiter. Les autorités qui gèrent le canal n’ont pas eu d’autre choix que de limiter le nombre de navires pouvant transiter par le canal à 24 par jour contre 31 auparavant depuis le 7 novembre. Ce nombre va diminuer encore à partir de février 2024 à 18 par jour. C’est une réduction de près de 50% du nombre de navires empruntant habituellement le canal. Malheureusement, l’engorgement du canal risque de prolonger la récession du commerce international, surtout si cela perdure une partie de l’année 2024.

Les États-Unis sont les plus vulnérables

Sans surprise, cela va faire des victimes. Les États-Unis sont les plus vulnérables. Ils représentent 70% du trafic total de conteneurs passant par le canal. En outre, 40% de tout le trafic de conteneurs des États-Unis transite chaque année par cette voie maritime – soit 270 milliards de dollars de fret. Le canal relie principalement la côte est des États-Unis à l’Asie et à la côte ouest de l’Amérique du Sud. Une capacité réduite des navires risque d’augmenter les prix des produits expédiés entre ces régions, dont la grande majorité sont des matières premières. Du côté des biens de consommation, les porte-conteneurs transportant des produits finis réservent leurs voyages quelques semaines à l’avance et risquent de ne pas rencontrer des délais d’attente aussi longs que ceux rencontrés par les cargos de vrac sec qui ne réservent généralement pas leur passage. Pour l’économie américaine, cela pourrait représenter une baisse des exportations de plusieurs points de pourcentage. Mais, rassurez-vous, ce ne sera pas suffisant pour causer une récession de l’économie américaine.

Le retour de l’inflation ?

On ne peut pas exclure une hausse limitée et temporaire de l’énergie et de certains biens de consommation. En 2022, les deux principales marchandises expédiées via le canal de Panama étaient le pétrole, avec une forte domination du gaz naturel liquéfié, et les céréales. Heureusement pour les transporteurs, d’autres routes commerciales existent (cap de Bonne-Espérance en Afrique du Sud ou canal de Suez). Mais cela implique une durée de transfert des marchandises beaucoup plus élevée et une hausse globale des coûts. A la fin, cela va peser sur les marges des transporteurs et sur le consommateur final. La bonne nouvelle, c’est que cela ne devrait pas provoquer un sursaut durable de l’inflation. En revanche, cela prouve encore une fois à quel point nos économies sont fragiles par rapport au changement climatique.

LFI

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