Déserter le marché américain reste une mauvaise idée.
Pour tous investisseurs attentifs, la surperformance des actions américaines face aux européenne est massive depuis des années. Les statistiques sont sans équivoque. Si on excepte les années 2017 et 2022, les actions US ont systématiquement battu les actions européennes ces dernières années. Il n’y a pas de mystère selon Christopher Dembik, le conseiller en stratégie d’investissement de Pictet AM « Avec juste 4 % de la population dans le monde, les Etats-Unis pèsent 25 % DU PNB Mondial et 31 % de la richesse des ménages toujours dans le monde, et représentent 50 % de l’investissement de capital à risque sur la planète. »
Encore plus éloquent, depuis 1991, le PIB par habitant aux Etats-Unis a progressé 30 % plus vite qu’en zone euro. Le bénéfice des entreprises américaines sur cette même période a plus que doublé. Pour cette année, c’est le seul grand pays dont la croissance va être supérieure à son potentiel et les Etats-Unis, est le seul pays présent dans toute la chaine de valeur des semi-conducteurs, chère à l’intelligence artificielle (IA). Si Pictet AM reste fidèle aux actions pour 2025, la préférence va aux valeurs technologiques, principalement américaines.
Certains pesteront contre des taux plus hauts Outre-Atlantique. En effet, les taux resteront plus élevés aux Etats-Unis mais devaient avoisiner les 3,75 % – 4 % en fin d’année contre des niveaux peut être proche de 1,80 % en Europe. Mais ces niveaux plus élevés de taux américains sont justifiés par un niveau de croissance supérieur à la zone euro. Cependant, l’évolution des taux, sauf grande surprise, ne devrait pas être le paramètre principal qui décidera de la direction des marchés cette année.
Avec un écart de taux de rendement favorable, les Etats-Unis devraient aimanter les nouveaux flux de capitaux. Eléments de soutien aux actions, les banques centrales, qui pilotent l’économie, sont dans un processus de baisse des taux (aussi dans les pays émergents) avec un objectif de tendre vers un niveau neutre, face au risque d’inflation devenu faible. Ce mouvement de baisse des taux va appauvrir les rendements des fonds monétaires encore bien gonflés de liquidités et pousser des flux vers la sortie, par exemple, orientés vers les marchés actions. Cette lame de fonds va soutenir les indices et s’ajouter déjà aux nombreux rachats de leurs propres d’actions des sociétés américaines, facilités par la croissance solide de leur free cash-flow. Avec en toile de fond l’exemple de NVIDIA qui est parvenu à multiplier par 15 son free cash-flow en deux ans, justifiant en quelque sorte son envolée en bourse.
L’exceptionnalisme de l’économie américaine peut se poursuivre en 2025, sous la houlette d’un nouveau président qui entend accentuer le soutien à l’économie au détriment des équilibres budgétaires. Mais l’administration Trump pourrait utiliser les taxes douanières comme levier pour baisser la dette.
L’inflation surestimée ?
Face aux craintes inflationnistes qui rôdent autour des décisions économiques du nouveau président, il y a, cependant, peu de chance que le programme Trump provoque une envolée de l’inflation car il ne sera pas appliqué totalement selon Christopher Dembik. Dans un Mano Mano, Trump l’utilise comme levier pour obtenir des concessions avec une différence entre les paroles et les actes. Avec une conséquence, les taux longs devraient se détendre au cours de l’été.
De toutes façons, crises, guerres, pandémie, quoi qu’il arrive, démocrates ou républicains au pouvoir, la bourse américaine s’en sort chaque fois mieux. La situation risque de se répéter encore cette année. Et pour les investisseurs qui ont le vertige après une année de forte progression des indices (+ 23,3 % pour le S&P 500 en 2024), le rendement moyen des 12 mois qui suivent une année de hausse (comme celle de 2024) est aussi haussier selon les statistiques. En effet, des données observées sur une période de près d’un siècle, s’étendant de 1928 à 2023 indiquent que l’année suivante, offre en moyenne, encore un progrès de 8,92 % de la bourse. Cette statistique risque de se vérifier encore cette année, estime Christopher Dembik. Cela ne signifie pas qu’il n’y aura pas de correction boursière. En revanche, elle ne remettra pas en cause la dynamique de fond haussière des actions américaines.
IA, renouvelable et eau
Autre argument qui va soutenir la croissance, une réglementation peut potentiellement freiner la création de richesse quand elle est mal appliquée et trop volumineuse. La vague de dérégulation souhaitée par le nouveau président, va libérer de la croissance. La surperformance économique des Etats-Unis, bien présente sous Biden, risque encore de s’accélérer sous Trump.
Même si les investisseurs ont un peu allégé leur exposition aux valeurs technologiques et à l’IA depuis le début de l’année, le secteur des valeurs technologiques reste clé chez Pictet AM. La demande croissante de l’IA a un impact important sur la demande énergétique, un deuxième thème d’investissement mis en avant par Pictet AM, celui de l’énergie renouvelable dont les baisses de cout l’on rendu très concurrentielle. Mais Pictet AM met aussi un autre thème en avant, moins populaire, la demande en eau. AECOM estime que l’IA représente déjà une augmentation de près de 30 % des dépenses annuelles en infrastructure dans le secteur de l’eau. Et selon un article de la revue Nature repris par Ekopak, la consommation d’eau de l’IA pourrait atteindre entre 4,2 et 6,6 milliards de mètres cubes d’ici 2027, soit environ la moitié de ce que le Royaume-Uni consomme chaque année.
Des deux côtés de l’Atlantique, la dynamique est haussière à long terme. Même si la décote du marché européen est d’environ 33 % par rapport au marché US, l’hégémonie économique, financière et boursière américaine, avec une domination technologique, une recherche de pointe et l’innovation, perpétue une avance au marché US.
Du point de vue géopolitique, le grand retour des grandes politiques des empires avec leur sphère d’influence (USA, Chine, Russie) se profile, avec un monde à trois et l’Europe perçue comme la puissance de la norme est mise de côté.
Europe et Chine
Cependant, une résolution en cours d’année du conflit ukrainien, sera favorable aux économies européennes. Selon les estimations de Goldman Sachs, un accord se traduirait par une amélioration de +0,2 à +0,5 point de pourcentage du PIB réel de l’Union Européenne et contribuerait à une baisse de -0,15 à -0,5 point de pourcentage de l’inflation, justifié en partie par une baisse du cout de l’énergie. Christopher Dembik adhère à ce scénario mais estime qu’il faut prendre beaucoup de précaution à ce stade sur ces estimations.
La Chine reste empêtrée dans le phénomène de déflation et en sortir n’est pas une mince affaire. Il semble évident qu’il n’y aura pas de plan relance de la consommation dans l’immédiat suffisamment solide en Chine pour sortir de la déflation. Il suffit d’observer le taux du 30 ans en Yuan…inférieur au taux de rendement 30 ans japonais. Le message du marché est limpide et suggère que les espérances d’accélération de croissance restent proche du plancher en Chine.
L’or
Enfin, avec les banques centrales à la manœuvre, l’or reste un achat et une stratégie de long-short dans les marchés plus volatils et incertains est adéquate selon Pictet AM.