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Que se raconte-t-on au téléphone dans les salles de marché ? Pour être dans la confidence rien de tel que d’écouter un trader…

Les brokers (ou les courtiers en bon français), sont ces personnages qui dans les films de la finance, sont toujours accrochés au téléphone, achètent et vendent.  Ils sont au bout de la chaîne et forment aussi un microcosme. Au plus près du marché, Ils sont à la croisée des chemins des avis, des tuyaux, des confidences de marché, des rumeurs, des dernières nouvelles.  Et avec un peu de bouteille, un bon trader sait qui il doit plus écouter et celui qu’il faut faire semblant d’écouter.

Et l’un d’eux, David Kruk responsable du trading desk chez LFDE, a confié en cette fin d’année les échos des salles de marché. « Le consensus est nettement positif sur la hausse des marchés, américains principalement, au moins sur la première partie de l’année.  Le mot « inflation » est celui qui revient le plus souvent dans les conversations entre trader, » explique-t-il en introduction. L’inflation doit être surveillée comme le lait sur le feu.

Mais surprenant, avant l’élection présidentielle, aussi parce qu’il s’agit d’un microcosme avec d’autres sensibilités et contrairement aux sondages, le marché a été visionnaire dans l’élection de Trump. Les valeurs du Trump-trade avaient déjà été commencées à être achetées avant les élections (actions US, bitcoin, dollar…).

Et anecdote, nul besoin de chercher très loin pour savoir qui a déjà le plus gagné de la victoire de Donald Trump.  Même les parieurs sur les cryptomonnaies qui ont fait gros font figure de parieur au petit pied par rapport à celui qui a fait tapis sur les promesses de Trump 2. Il s’agit bien sûr d’Elon Musk qui a engrangé 41 milliards de dollars uniquement sur sa position en actions Tesla.

Point de vue général, David Kruk résume l’avis des traders ; « 2025 va se dérouler avec un président imprévisible mais l’année sera prévisible. »  Les statistiques historiques de marché sont favorables. En général, le marché grimpe en moyenne de 15 % les 12 mois qui suivent une élection présidentielle aux Etats-Unis. La politique envisagée par Trump va stimuler l’économie et la baisse des impôts des sociétés, augmenter les bénéfices nets des entreprises.

Mais avant que les futures mesures présidentielles soient implantées, il faut faire un constat que les salles de marchés font, explique le trader : « la croissance se porte déjà bien, l’emploi est sain, la consommation tient bien et les taux d’intérêt sont sur le chemin de la baisse. »  Signe, Morgan Stanley a déjà relevé son objectif sur le S&P 500 de 6000 à 6500 avant ces élections.  Selon les dernières estimations, les bénéfices des sociétés américaines en 2025 devraient grimper d’environ 11 %. Mais les nouvelles mesures économiques, comme les droits de douane peuvent faire dérailler la vitesse de croisière du train américain de la croissance. Et dans les marchés actions, grosse différence avec 2024, la hausse ne devrait plus se cantonner surtout sur les grandes capitalisations (7 Magnifiques) mais s’étendre aux autres valeurs. Le « S&P Equalweight »  devrait mieux performer la nouvelle année qu’en 2024. 

Une grosse main, les rachats d’action

Elément de soutien, les rachats propres d’action (+49 % en 2024) par les entreprises, une main puissante et invisible de la hausse, devrait se poursuivre à un bon rythme. A ce petit jeu, c’est dans l’énergie que la masse de rachat est une des plus fortes, avec près de 4 % du capital racheté en moyenne en 2024. Les brokers sont toujours optimistes sur l’IA même s’ils sont un peu moins classiques mais plus originaux dans leurs choix.

Si le consensus est certainement optimiste pour le début d’année, il faut se rappeler que les principales prévisions de l’année 2024 ne se sont pas toutes réalisées, avec par exemple la crainte d’une récession qui n’est jamais arrivée et une chute rapide des taux d’intérêt qui s’est fait attendre. Fin 2024, deux risques sont identifiés par les traders : l’inflation et la croissance. Et une des décisions de Trump est le rapatriement  dans leur pays d’immigrés illégaux qui va libérer des emplois, probablement remplacés par des employés aux exigences salariales plus élevées, avec le risque d’un retour de l’inflation au second semestre.

« une économie qui tourne étonnamment bien comme un moteur de Ferrari 

et qui n’avait pas besoin de changements»

Les tensions sur les rendements peuvent se poursuivre avec l’accroissement envisagé du déficit. Une demande plus élevée de dettes devra offrir des rendements plus élevés pour attirer plus d’investisseurs. Et actuellement, les probabilités d’une décision de baisse de taux dans la prochaine réunion de la FED sont tombées à environ 60 %…

Finalement, la nouvelle politique de la Maison Blanche va toucher à une économie qui tourne étonnamment bien, comme un moteur de Ferrari et qui n’avait pas besoin de grands changements  souligne David Kruk, « on veut faire mieux que du parfait »,

La mise en place de droits de douane beaucoup plus élevés sur les importations européennes, voulue par le futur président américain, risque en effet aussi de ralentir l’économie européenne de façon significative. Cependant, pour les entreprises européennes qui produisent aux Etats-Unis et qui échapperont au couperet des droits de douane, le rapatriement de revenu s’effectuera à des taux de change plus avantageux avec la force du dollar.

Capitulation en Europe ?

Avec un déficit de performance de plus de 25 %, la question peut se poser si les conditions d’un rebond des marchés Européens sont dans les cartes. Les profits européens ne devraient croitre que d’un maigre 3 % avec des croissances économiques faméliques de 0,7 % en France à 2 % en Espagne. Cependant, le scepticisme sur une hausse du marché européen déjà élevé, continue de croitre sur le vieux continent. « Ne voit-on pas trop noir alors que les estimations de bénéfices restent positives ?  Avec les espoirs de fin de conflit en Ukraine, une possible relance perpétrée en Allemagne pour sortir l’économie de son malaise actuel, une autre éventuelle relance en Chine qui favorisera les exportations allemandes mais aussi italiennes, ne peut-on pas avoir des doutes sur ce degré de pessimisme raconte David Kruk. 

Acheter au son du canon dit le dicton.  Alors que la valorisation des small caps, a atteint des niveaux si bas qu’ils sont inférieurs à ceux touchés en… 2008, met un doute sur une poursuite de la sous-performance déjà historique de ce marché.  La baisse des taux d’intérêt en euro, plus rapide qu’anticipée à ce jour, peut aussi mettre du grain au moulin de la hausse.

Mais un point noir, l’Europe doit travailler à résoudre ses déficits.

Daniel Pechon

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